Campus de l'Ucad: au royaume des laissés pour compte de l'abri social

un véritable calvaire de vivre au campus

Exiguïté de chambres, surpeuplement, promiscuité, toilettes insuffisantes, restauration difficile, pollution sonore…les maux dont souffrent les étudiants logés au campus social de L'Ucad sont aigus et criants.  Focus sur la cité de la patience et de la résilience où il n y a point de confort.

Dans une ambiance de fin de semaine, où les étudiants se pressent pour aller en week-end, histoire de décompresser, le campus social se vide pour au moins deux jours. Au campus social de L'Ucad, il y a des logements pour hommes et pour femmes. Un air frais souffle ce soir de vendredi à la cité. Pour  accéder au pavillon Q abritant des étudiantes, il faut montrer patte blanche, en y laissant la carte chez les vigiles qui se relaient jour et nuit. Le pavillon Q est l'un des plus récents pavillons pour femmes, il semble nouveau, la peinture encore neuve. Les linges étalés par les occupantes sont visibles sur les balcons. A l’extérieur du bâtiment,  un vacarme  est audible. Au rez-de-chaussée, c'est une odeur suave de mets qui pique les narines. Campus social de l'ucad, il est  21h. Cap sur la chambre 9 du pavillon.  Ici 17 personnes partagent la même chambre, elle contient trois lits avec des draps à la propreté douteuse, des bagages de toutes sortes encombrent le lieu sous une lampe éblouissante : des sachets contenant des vêtements, des chaussures sont sous les lits. Près du lavabo, des seaux, un mortier, des assiettes, des livres et cahiers posés sur une table, des matelas superposés, des serviettes, des bouteilles… c'est un capharnaüm. Cela est mêlé d'une chaleur étouffante dégagée par un réchaud. «C’est grave, mais pas de choix, on n’a pas où loger ailleurs. Moi  je suis asthmatique, j'etouffe  souvent, surtout pendant la canicule», renseigne  Bernadette Sène, étudiante à l’Ecole des bibliothécaires,  archivistes et documentalistes (l'Ebad) en L1. En plus de la chaleur, se mêlent les moustiques qui abondent dans la chambre. Les fenêtres sont ouvertes, laissant entrer l'air, «de toutes les façons, les fenêtres ne sont jamais fermées, depuis qu’on a cassé les vitres l'année dernière, lors des émeutes au campus», informe une occupante. 
                            résignation
Savent- elles le péril auquel elles s’exposent en s'entassant toutes dans une même chambre?  «Dieu est clément, il nous épargnera de maladies contagieuses». Il n’y a-t-il pas de rixe due à la promiscuité?  «Non catégorique» assurent-elles «on se respecte, on se relaie pour nettoyer la chambre, car ça se sali vite à cause du surnombre», informe Astou Faye, étudiante en médecine.
Tout près de là, à la chambre3, quasiment le même panorama, mais cette chambre est plus propre. Des matelas sont étalés sur le sol, où sont assises des étudiantes; les autres assises sur les lits en train de discuter en dînant «ici c'est la vie en solidarité, on se plaint pas, c'est pour un laps de temps». L'ambiance est très détendue, on palabre, on s’esclaffe, le tout mêlé d’une musique très dansante, l'une d'elles esquisse quelques pas de danse. «Ici c'est no stress».
A quelques encablures de là, le pavillon O ex Pm4 (pavillon de mariés), chambre 7, 13 étudiantes partagent la même chambre. Mais ici les chambres sont plus spacieuses et équipées (cuisine, lavabo, toilettes internes, armoires). Les moustiques sont dévorants, en témoignent les démangeaisons des occupantes, qui trahissent mal leur gêne. Trois lits, des matelas superposés, sur  la porte d'entrée est affichée la liste des occupantes et l'emploi de temps pour le nettoyage de la chambre. Celle-ci bien entretenue, les draps sont changés quotidiennement informe-t-elle. «Ce n'est pas le confort, mais j'habite keur massar, je suis obligée de loger ici pour bien apprendre les cours la nuit et éviter les tracasseries le matin pour rejoindre la Faculté».  
                                            inconfort

Au même pavillon, à la chambre 32, Huit étudiantes  logent ensemble. Contrairement aux autres chambres, celle-ci semble une chambre-annexe, et très exiguë, trois lits, peu d'espace libre. Des bagages de toutes sortes hantent les lieux: chaussures, vêtements, produits cosmétiques, livres, cahiers s'entassent sur une table, près de la fenêtre un poste téléviseur et un frigo. Dans le frigo, des restes d’aliments, du bissap. « A chaque fois qu'on va en week-end, on apporte du riz préparé, on le garde dans le frigo parfois pendant une semaine». Une étudiante prépare des omelettes, dégageant une senteur.   Ici on songe déjà au relogement, car bientôt c'est la fin des logements provisoires.
 Cependant d'autres étudiants sont plus chanceux, et ont moins de problèmes de logement. Ils sont logés dans des appartements loués par des hommes politiques originaires de leur localité dans des quartiers résidentiels comme Fann, Fass, Medina etc.
                                   Sidy le siderant
Il fait un peu tard, cap sur le pavillon A, abritant des étudiants. Il est le plus vieux  et le plus imposant pavillon du campus social, construit avant l'indépendance du Sénégal. Celui-ci est situé à l'entrée du campus. Un étudiant montre volontiers sa chambre, située au deuxième étage, numéro 274.
Il est 23 heures passé, mais ses occupants semblent ne pas se soucier du temps qui passe et tout le monde est encore éveillé. Une chambre très spacieuse, contenant 5 lits, des matelas, étalés à même le sol. Des serviettes, des valises s'entassent sur les trois armoires, à droite, deux lavabos un peu rouillées, des vêtements encombrent le décor. Inutile de demander le nombre des occupants. Sur  un ton hilare, l'un des occupants, Sidy Diop étudiant en L3 au département d'espagnol révèle «ici nous sommes une équipe, comme celle du Sénégal en foot, équipe A et B. Nous atteignons 25 dans la chambre, je le jure» ce qui suscite un rire fou dans la chambre. Pourtant ceci ne semble pas préoccuper les occupants, car disent- ils, ils logent ensemble depuis l'année dernière, et à les croire, il n'y a jamais eu couac dans la chambre. Dans cette chambre, c'est tout le Sénégal en miniature, il y a des ressortissants de toutes les régions du pays. « On s'est tous connus ici, mais  c'est la solidarité active et la résilience, on s’accepte dans la différence, c'est la vie en famille»,    lance un autre étudiant en wolof. Aussitôt, un étudiant amène un plat de nourriture, tout le monde se regroupe, en un clin d'œil le plat est vide. « On est pas rassasiés, mais l'essentiel c'est de goûter». Au bout de quelques minutes, certains commencent à réclamer leur matelas pour dormir. Tout est rangé, les matelas étalés, la lampe est éteinte. La porte n’est pas fermée, car d'autres ne sont pas encore revenus. Plus loin de là, les étudiants dorment sur des matelas dans les différents couloirs. «Ce n'est pas normal, ici pour aller aux toilettes la nuit, on a du mal à se frayer un chemin, les étudiants se couchent  partout», proteste un étudiant logé dans le même pavillon. Le surpeuplement ne se fait pas sentir que dans les chambres. A en croire les étudiants, il faut se réveiller tôt pour pouvoir se laver, sinon il faut suivre une file indienne, pendant une bonne heure de temps ou plus.
Les étudiants pourtant ne pipent mot et semblent plutôt résignés et stoïques. 
                               optimisme débordant
Malgré les difficultés de logement, le chef de département des œuvres sociales du centre des œuvres universitaires de Dakar(Coud), Khalifa Diagne semble optimiste et rassurant, en mettant l'accent sur la finition imminente des nouveaux pavillons au campus social et à la cité Aline Sittoe Diatta, ex Claudel. «Nous ne ménageons aucun effort pour le bien être des bénéficiaires du Coud, nous ne prétendons pas avoir la panacée, mais avec les quatre pavillons en voie de finition qui totalisent 1044 lits, nous résolvons quelques problèmes de logements. D'autres  travaux sont à l'étude aussi. Nous incitons les étudiants à la patience et à l'indulgence».

                                      Le Gondwanais lambda 45, groupe B

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